vendredi 9 septembre 2011

le Systeme agro-pastorale en algerie

le Systeme agro-pastorale en algerie

C'est un petit rapport sur le Systeme agro-pastorale en algerie

                                                                                                                                                              I.      Résumé

Sur la base des résultats d’une petite enquête menée au cours du printemps 2009, on va s’efforcer  de cerner quelques-unes des dynamiques à l’œuvre au sein des différentes catégories de pasteurs et d’agro-pasteurs de la région de Sidi Makhlouf : Une typologie entre petit, moyen et gros éleveurs, et les stratégies d’adaptation de chaque catégorie vis-à-vis des périodes difficiles (sèche), face aux évolutions récentes, les plus « aisés » adoptent des stratégies visant à une maximisation des profits, tandis que les moins nantis s’efforcent avant tout d’assurer le maintien de leur niveau de vie.

                                                                                                                                             II.      Introduction
La steppe algérienne, bande longitudinale qui s’étale des frontières est aux frontières ouest sur une superficie d’environ 20 millions d’hectares, a toujours été un territoire d’élevage dédié en premier lieu aux ovins.
Traditionnellement, la transhumance était pratiquée par les pasteurs afin d’offrir à leurs troupeaux des pâturages d’été en se déplaçant au nord tellien1 pour échapper au climat aride de la steppe, et des pâturages d’hiver au sud de la steppe afin d’éviter aux animaux le froid rude des zones steppiques. Le pastoralisme était donc fondé sur deux grands déplacements annuels par lesquels les éleveurs s’efforçaient de préserver leurs cheptels et de permettre la régénération des pâturages.
Aujourd’hui, les pratiques du pastoralisme ont changé. Ces changements sociaux, économiques, organisationnels ou même naturels, ont eu des effets non seulement sur la vie des pasteurs, mais aussi et surtout sur le milieu naturel. Dans toutes les steppes du monde, on parle de dégradation des parcours2 et bien évidemment la steppe algérienne ne fait pas exception.
La dégradation des qualités écologiques (réduction de la biodiversité) et paysagères (extension du paysage désertique), ainsi que la réduction de la superficie des parcours, principal facteur de production sur lequel se basait l’activité, ne peuvent plus être négligées.
Toutefois, les changements de nature différente interagissent de telle façon qu’il est difficile d’affirmer que la dégradation du milieu serait à l’origine de la paupérisation constatée dans la steppe algérienne, car l’inverse est tout aussi vrai. Seule une analyse dynamique, tentant de retracer les différentes phases d’évolution de la société et des espaces pastoraux algériens, pourrait permettre de sortir de cette difficulté. Cette étude de cas tente d’y contribuer, en s’efforçant d’identifier quelques-unes des stratégies développées par les pasteurs et les agro-pasteurs de la steppe algérienne pour faire face aux transformations de leur territoire et de leur mode de vie.



                                                                                                                             III.      Etude théorique
Données géographiques sur la région de Laghouat
Située à proximité de l’Oued M’Zi, l’Oued M’Saad et l’Oued Kheir, qui antérieurement la traversait de part en part après s’être détaché de l’Oued M’Zi, Laghouat était une oasis convoitée qui s’étendait sur près de trois kilomètres.
Primitivement, et jusqu’à une date assez récente, Laghouat se trouvait formé par un agrégat de ksour : Boumendala, Nedjal, Sidi Mimoun, Benbouta. Par la suite, un rempart cernant l’oasis des quatre côtés fut exhaussé pour se prémunir contre les razzias et les attaques menées par d’autres tribus. El-Ayachi, historien et grand voyageur maghrébin, mentionne dans sa « Rihla » l’existence de ce rempart en 1663.


Données socio-économiques sur la région de Laghouat
1.     Répartition générale des terres en 1994.

Superficie (Hectare)
Part (%)
Surface agricole utile (SAU)
25 939
5,63
Pacages et parcours
36 5743
79,34
Autres
51 678
11,21
Totale terres agricoles
443 360
96,17
Exploitations forestières
17 640
3,83
Superficie totale de la région
461 000
100
Source : DSA de la Wilaya de Laghouat, 1995.
2.     Évolution de la population de la région entre 1977 et 1994.

1966
1977
1987
1991
1994
Population totale
9 296
52 500
69 834
82 583
90 308
Indice d’évolution
100
564,76
751,22
888,71
971,47
Part dans la population de la wilaya (%)
21,43
35,37
32,88
32,83
32,44
Source : DPAT de la wilaya de Laghouat

Données géographiques sur la région de Sidi Makhlouf

Sidi Makhlouf est une ville d’Algerie, située dans la wilaya de  Laghouat
Latitude Décimale :    34.1333330
Longitude Décimale : 3.0166670

Latitude Degrée :       34°7‘59"N
Longitude Degrée :    3°1‘0"E

UFI :      -485698
UNI :     -694434
MGRS : 31SET0153776940
JOG :     NI31-07

Données sociologiques  sur la région de Sidi Makhlouf

Répartition générale de la population

Population masculine

Population féminine

Travailleurs
Chômeurs

Total

4108

4000

1043
2028

8108





Le système agro-pastoral

            L’alimentation dans ce type d’élevage est composée en grande partie de pâturage à base de résidus de récoltes, complémenté par la paille d’orge et de fourrage sec ; les animaux sont abrités dans des bergeries.
La population steppique, composée essentiellement de pasteurs-éleveurs pratiquait le nomadisme (concernant le déplacement de l’ensemble de la famille), et la transhumance (qui ne concerne que le berger et son troupeau). Ce sont des formes sociales d’adaptation à ces milieux arides qui permettent de maintenir l’équilibre et de survivre aux crises écologiques dues à des sécheresses cycliques. Cette pratique réalisait une gestion rationnelle de l’espace et du temps à travers deux mouvements essentiels : « l’achaba »  qui consiste à remonter les troupeaux dans les zones telliennes, vers un pacage valorisant les sous-produits de l'agriculture, sur les chaumes et les pailles des terres céréalières pendant les 3 à 4 mois de l’été et «l’azzaba » conduisant les pasteurs et leur cheptel vers les piedmonts nord de l’Atlas saharien pendant les 3 mois de l’hiver. Ces deux mouvements de transhumance permettent une utilisation des zones steppiques pendant les 3 ou 4 mois du printemps qui correspondent à la période maximale de la production végétale, c’est à dire à la production des espèces annuelles relatives aux pluies printanières et dont la valeur nutritive élevée compense largement les faibles valeurs fourragères des espèces pérennes. Cette combinaison intelligente induisait une optimisation dans l’utilisation des ressources naturelles et de ce fait, les parcours steppiques ne sont utilisés que pendant 1/3 de l’année ce qui permettait la régénération des espèces. La gestion de l’espace pastoral par les populations était basée sur des accords tacites issus des traditions ancestrales. Cet espace pastoral comprenait les terres publiques de statut domanial et communal qui regroupent les forêts, les nappes alfatières et les vastes parcours, les terres arch détenues en propriétés collectives par les tribus et les terres melk qui sont des terres privées. Aujourd’hui la société pastorale connaît d’importantes transformations socio-économiques (BOUKHOBZA, 1982 ; BERCHICHE et al 1993 ; BEDRANI, 1996) . On note une importante régression du nomadisme qui ne subsiste que de façon sporadique. Les déplacements de grande amplitude ne concernent que 5 pourcent de la population steppique. La population anciennement nomade ne s’est pas sédentarisée totalement comme on peut le croire, mais elle est devenue semi-sédentaire. Les déplacements sont plus restreints (10 à 50 km) (KHALDOUN, 1995). Les pasteurs ont modifié leur système de production en associant culture céréalière et élevage.
Les troupeaux sont de petite taille car prés de 80 pourcent des propriétaires possèdent moins de 100 têtes et 90 pourcent des populations ovines appartiennent à des éleveurs privés. On distingue:
  • Le petit propriétaire-exploitant (80 pourcent des éleveurs) qui possède moins de 100 brebis et moins de 10 ha destinés à la culture de céréales pour l'autoconsommation. Il est semi nomade et ne se déplace que sur un rayon de quelques kilomètres. Il compense son déficit fourrager par les sous produits de ses récoltes.
  • Le propriétaire moyen (15 pourcent des éleveurs) qui possède 100 à 300 brebis et quelques dizaines d'hectares de terre arch. Ce type d'exploitant, agropasteurs, vit des ressources provenant de son troupeau et de ses récoltes. Il ne pratique le nomadisme qu'en mauvaises années.
  • Le grand propriétaire (5 pourcent des éleveurs) qui possède plus de 300 brebis et plusieurs centaines d'hectares qui sont propriété tribale. Il pratique les déplacements de grande envergure, achaba et azzaba et possède de grands moyens (tracteurs, camions…).


                                                                                                 IV.      Présentation de l’enquête

Notre étude repose sur les résultats d’une enquête que nous avons réalisée dans la région de Sidi makhlouf, localisé à l’est de la wilaya de Laghouat. Cette région s’étend sur une superficie de 1420 km2.
L’enquête a été menée durant le printemps 2009 auprès d’un échantillon représentatif d’exploitations pastorales, agricoles et agropastorales de la commune de la région.
Dans un premier temps, nous avons pris contacte avec un agriculteur bien connu et respecté  de la région qui a constitué la clef de notre prise de contacte avec les autre agriculteurs de la ville afin de constituer des listes des exploitations de chaque commune par enquête auprès 21 exploitations ont ainsi été identifiées sur la commune , chaque exploitation étant caractérisée par un certain nombre de critères : caractéristiques juridiques (nom patronymique, filiation du chef…), paramètres techniques (Superficie Agricole Utile, nombre de brebis reproductrices, présence d’un tracteur agricole…).
                                                                                                                                                         V.      Résultats
Tableau. Importance du cheptel dans les différentes catégories d’enquêtés

Catégorie gros éleveur
Catégorie moyenne
Catégorie petits éleveurs
Total
Nombre d’enquêtés




Cheptel ovin total (tête)




Cheptel/enquêté (tête)





Tableau. Répartition des catégories d’acteurs, selon leur niveau de vie
CATEGORIES
NIVEAU DE VIE

Bon
Moyen
Mauvais
Agro-éleveurs mécanisés



Agro-éleveurs non mécanisés


                   

Agriculteurs non mécanisés




C51



Éleveurs non mécanisés
C52




C53




C54



Agriculteurs mécanisés



Source : Données de l'enquête.

                                                                                                                                               VI.      Discutions

Le mode de mise en valeur des ressources : (un décalage entre disponibilités et besoins)

Si l’on suit Ph. Daget et M. Gordon, « le pastoralisme en tant qu’activité est le moyen le plus efficace pour utiliser les ressources sur les terres sèches ou marginales. En temps normal, les pasteurs nomades sont souvent mieux nantis que les agriculteurs sédentaires. Ils peuvent déplacer leurs bêtes pour suivre les pluies ou les conduire aux pâturages saisonniers établis. Mais ils sont souvent les premières victimes du stress environnemental prolongé, par exemple la sécheresse »6.
La principale ressource des zones steppiques reste « le parcours ». Espace commun selon son statut juridique, il constitue le principal facteur de production. Les parcours occupent une grande part de la superficie des zones steppiques. Leur étendue ainsi que leurs caractéristiques naturelles les dédient beaucoup plus à l’activité pastorale qu’à d’autres activités économiques, d’où l’attribut « vocation pastorale ».
Dans la région de Sidi makhlouf, ces parcours représentent une bonne partie de la superficie totale. Le couvert végétal est dominé principalement par deux espèces, l’alfa (stipa tenacissima) et l’armoise blanche (artmisea herba alba) dont le nom local est chih, qui constituent l’essentiel de l’offre en pâturage pour les espèces animales domestiques.
Toutefois, si les déplacements que pratiquaient les pasteurs permettaient – en théorie du moins – la régénération des parcours et la reprise du couvert végétal, cette dynamique a été rompue récemment du fait de l’accroissement du cheptel dans la région, comme partout ailleurs dans la steppe algérienne, et de la sédentarisation simultanée des hommes induisant une surcharge de certains parcours.
Le surpâturage est ainsi devenu chronique, engendrant une dégradation continue des parcours. La charge pastorale est le meilleur indicateur pour estimer ce degré de dégradation. Si la charge qui permettait l’équilibre a pu être estimée en 1982 à 0,25 têtes/ha (Boukhobza, 1982), soit 4 hectares pour un ovin, celle constatée à Sidi makhlouf  est plus élevés.

La privatisation de fait de certains parcours

En rupture avec le mode de production ancestral, on est passé d’un élevage transhumant, fondé sur la mobilité des hommes et des animaux, à un élevage fixe basé sur la complémentation de l’alimentation des animaux. Le début de ce passage, d’un mode de conduite ancestral à un mode de conduite nouveau dont les pasteurs ignorent les règles mais surtout les conséquences sur leur environnement, remonte à peu près à un siècle. Toutefois, c’est à partir des années soixante-dix que l’on assiste à une amplification des modifications observées. La plus grande partie des éleveurs et agro-éleveurs enquêtés situe dans ces années soixante-dix le début de la complémentation de l’alimentation des animaux, tout comme les défrichements des terres de parcours et la sédentarisation.
Le recours à l’agriculture peut être interprété de différentes manières. Pour les plus riches, c’est une façon de s’approprier de l’espace, pour les pauvres, une source de revenus secondaires en l’absence d’emplois salariés. Les comportements observés obéissent ainsi à des motifs économiques.
Pour asseoir leur stratégie de délimitation-appropriation de terres, les plus riches s’appuient sur un droit coutumier qui, s’agissant d’une terre labourée, prévoit l’interdiction de la traverser. Ce procédé leur procure la pleine jouissance des terres de parcours dont ils ont pris possession.
Le libre accès pour tout un chacun, jadis règle commune à l’ensemble des acteurs sociaux, a été remis en cause en peu de temps, au début des années soixante-dix, par le développement d’une pratique appelée El Gdel, qui consiste à relier au minimum trois lots de céréales de quelques traits de labours, de façon à délimiter un parcours à l’intérieur d’une terre et à empêcher les autres d’y pénétrer7.
Ceux qui disposent de moyens matériels leur permettant de labourer leurs terres et jouissent d’une position sociale importante s’arrogent ainsi l’exclusivité de l’accès à certains parcours.
De l’avis de nos enquêtés, depuis que cette pratique est appliquée, il y aurait de moins en moins de parcours d’accès libre pour tous. Le quart d’entre eux mentionnent l’existence de lieux, dans leurs communes, auxquels ils pouvaient auparavant accéder, mais qui leur sont aujourd’hui interdits, essentiellement du fait d’El Gdel. 19 % voient dans cette pratique un choix inévitable du simple fait qu’elle est devenue chose courante. De fait, un paysage de parcours labourés à la déchaumeuse est offert à tout curieux dès que celui-ci quitte les principaux axes routiers…
Pourtant, en théorie, cette pratique est illicite car le labour des terres de parcours est interdit par la réglementation  d’où la difficulté à l’atteindre. Les chiffres obtenus sous-estiment certainement l’ampleur de cette pratique. Pour l’ensemble de notre échantillon, la superficie qui lui est consacrée s’élèverait en 1996 à 305 ha, répartis entre les diverses catégories de telle manière que les éleveurs les plus aisés possèdent en moyenne la superficie la plus importante : si l’on considère la superficie moyenne en Gdel par enquêté, elle est la plus élevée pour un agriculteur mécanisé, suivi d’agro-éleveurs mécanisés.
Pour les agro-éleveurs non mécanisés, les terres concernées sont de mauvaise qualité et/ou se situent sur des parcours très éloignés : elles ne sont pas convoitées par les agro-éleveurs mécanisés qui préfèrent opter pour des parcelles de bonne qualité, proches de leurs lieux d’habitation.
Les pasteurs les plus démunis, en revanche, sont pratiquement exclus de cette pratique : leur position sociale ne leur permet guère de s’y livrer et ils sont dépourvus de tracteurs susceptibles d’opérer la délimitation concrète sur le terrain.

Une activité agropastorale au devenir aléatoire

Le niveau de vie de ceux qui s’y adonnent est un élément essentiel du devenir de l’activité agropastorale. Par manque de données statistiques sur le revenu des enquêtés, nous avons rapproché, pour cerner leur niveau de vie, plusieurs critères (facteurs de production possédés, pluri-activité ou mono-activité du ménage, habitat possédé, etc.) Par exemple, un éleveur ou agro-éleveur habitant sur les parcours et possédant une maison « secondaire » ne peut être qu’« aisé » : en plus d’une maison, la plupart des grands éleveurs habitant le centre urbain de la région possèdent ainsi un commerce tenu par l’un de leurs fils.
À l’exception des agro-éleveurs mécanisés, qui jouissent d’un bon niveau de vie, la majorité de nos enquêtés ont un niveau de vie moyen. Les plus pauvres se trouvent dans les éleveurs non-mécanisés des sous-catégories 51 et 52 (disposant de moins de 50 brebis) et dans les agro-éleveurs non mécanisés qui ont le moins de cheptel.

Ceux qui sont considérés comme « aisés » représentent une faible proportion de la population enquêtée : ils sont au nombre de 8. La ressource « espace » et/ou moyens de production, sont détenus par une minorité d’éleveurs tandis que la majorité d’entre eux sont confrontés à une paupérisation accentuée par un combat sans merci pour la maîtrise des parcours. Cette paupérisation se manifeste essentiellement par une décapitalisation qui touche principalement les éleveurs non mécanisés, et par la sédentarisation8 des nomades qui préfèrent s’installer dans les bidonvilles que de rester sous la tente sur les parcours, d’autant que ce mode de vie n’est plus toléré, surtout par les femmes. Les pasteurs nomades se considèrent ainsi comme les oubliés de la modernisation.
La dimension du cheptel est évidemment étroitement liée au niveau de vie : la catégorie la moins nombreuse, disposant du meilleur niveau de vie, possède également le plus de cheptel :
Si les enquêtés de la catégorie regroupant les plus démunis possèdent plus de cheptel que ceux de la catégorie moyenne, cela tient au fait que les premiers pratiquent essentiellement l’élevage tandis ceux de la catégorie moyenne pratiquent aussi l’agriculture. On ne peut pour autant voir dans l’élevage une source de pauvreté, puisque beaucoup d’enquêtés ont fait fortune grâce à l’élevage…
La concentration du cheptel est observable pour l’ensemble de la steppe algérienne. En 1982, M. Boukhobza notait déjà que 10,7 % des éleveurs, possédant des troupeaux de plus de 100 têtes, détenaient environ 68,5 % du cheptel ovin steppique.

Tableau 6. Concentration du cheptel ovin dans la steppe algérienne en 1982

Propriétaires (%)
Cheptel (%)
Moins de 10 ovins
64,4
7,6
10 à 50 ovins
15,1
8,7
50 à 100 ovins
9,8
15,2
100 à 300 ovins
6,9
25,4
300 ovins et plus
3,8
43,1
Total
100
100
Source : M. Boukhobza.

En définitive, les plus aisés possèdent les moyens humains et matériels pour mener à bien l’activité agropastorale et se lancer simultanément dans d’autres activités génératrices de revenus : ils ont un cheptel relativement important ; ils possèdent aussi des moyens de transport et des facteurs de production qui ressemblent de plus en plus à ceux possédés pas les agriculteurs du nord du pays. Leur objectif est la recherche d’une maximisation du profit à travers une thésaurisation du cheptel et une agriculture d’appui pour faire face aux besoins alimentaires de ce cheptel.
L’élevage est la seule activité des plus démunis. Ce sont soit des éleveurs nomades, récemment sédentarisés pour échapper à la difficulté de la vie sous la tente et/ou chercher une activité d’appoint en ville pour tenter de se replacer dans la hiérarchie sociale et reconstituer ou développer leur cheptel, soit des « néo-éleveurs » qui, ne trouvant aucune autre source de revenu, ont eu recours à l’élevage en attendant des jours meilleurs.
Notons encore l’importance, parmi les enquêtés, de la catégorie moyenne. Dans toute société en évolution, celle-ci est un réservoir de main-d’œuvre et un « gestionnaire » d’équilibre. Pour les éleveurs et les agro-éleveurs de Sidi makhlouf, la catégorie moyenne se caractérise par la possession d’un facteur de production unique, le cheptel, car la terre est dans la plupart des cas en propriété collective, sauf pour les agriculteurs de la catégorie 4 qui possèdent des superficies agricoles en propriété privée négligeable, destinées au maraîchage. L’objectif des enquêtés de cette catégorie est d’avoir un niveau de vie décent tout en maintenant une activité agropastorale, en s’appuyant éventuellement sur des activités capables de générer un revenu d’appoint : travail saisonnier chez des tiers, travail salarié de l’un des membres du ménage en ville ou dans les agglomérations limitrophes.
Cette catégorie intermédiaire semble évoluer dans deux directions différentes. Certains capitalisent un maximum de cheptel, de moyens humains, matériels et financiers et rejoignent les plus aisés : ils sont peu nombreux à y parvenir. Les autres s’inscrivent dans un cercle vicieux de paupérisation et rejoindront progressivement la catégorie des plus démunis. La catégorie intermédiaire pourrait ainsi être appelée à disparaître. Si c’était le cas, les différenciations sociales accrues pourraient avoir des conséquences dépassant largement le champ écologique et économique.
Chez les pasteurs et les agro-pasteurs, la dynamique est gérée par la décapitalisation pour les plus démunis et la thésaurisation du cheptel pour les plus aisés ; en revanche chez les agriculteurs, elle est gérée par le gain et/ou la perte des superficies agricoles9.
Il y a deux types de dynamiques : une endogène et l’autre exogène. La dynamique endogène se matérialise par des transformations au sein d’une même catégorie ou le passage d’une catégorie à une autre tout en restant au sein de l’activité mère – l’activité agropastorale. La dynamique exogène, quant à elle, se caractérise par une sortie de la sphère de l’activité agropastorale. Elle peut avoir deux sens différents : soit l’abandon de l’activité et le recours au salariat pour les plus démunis, soit, pour les plus aisés, la thésaurisation et la capitalisation pour investir dans d’autres domaines, notamment le commerce. Le graphique suivant met en évidence l’importance de la source mixte :
Ainsi, une bonne partie des  enquêtés assurent leurs revenus en recourant à des activités extra-agricoles diverses ou combinent le revenu de l’activité agropastorale et une retraite, une pension ou d’autres aides familiales. Ceux dont les ressources sont uniquement fondées sur un revenu assuré par l’élevage ou l’agriculture sont les moins nombreux. La tendance est à la diversification des activités et au recours aux revenus extra-agricoles.



                                                                                                                                       VII.      Conclusion
Le temps de la gestion collective des ressources naturelles est révolu. L’ère actuelle porte plutôt un individualisme dénié.
Les changements constatés dans l’activité pastorale ont eu des effets variables en fonction de la catégorie à laquelle appartiennent les pasteurs ou agro-pasteurs. Les plus « aisés » ont su les mettre à profit pour se développer. En revanche, les plus démunis subissent les effets de ces changements qui ne font que les inscrire dans un cycle de paupérisation et de marginalisation.
La course vers la maîtrise des ressources et les vifs conflits sur les terres de parcours obéissent à deux stratégies différentes. Les plus aisés tentent d’avoir plus de moyens et de pouvoir social afin de maximiser leurs profits, les plus démunis tentent de subsister grâce au maintien d’un élevage extensif et d’une agriculture en sec, s’appuyant sur quelques hectares de terres collectives et sur le recours au salariat et au travail saisonnier.
L’intégration au marché n’est que le résultat de la combinaison de facteurs favorables qui permettent aux plus aisés une ouverture sur les autres régions du pays par les biais de la commercialisation et de l’approvisionnement en facteurs de production. La marginalisation des plus démunis résulte quant à elle de la conjonction de facteurs limitant le développement de l’activité agropastorale et/ou pastorale, par le biais d’une décapitalisation progressive et d’une paupérisation – dans une dynamique marquée par une diminution des catégories moyennes qui ne parviennent pas à se reproduire.
La situation est telle que l’accumulation des problèmes sociaux, économiques et environnementaux pourrait compromettre la survie des populations et de l’écosystème dans la steppe algérienne.
                                                                                                                      VIII.      Remerciements
Un grand merci aux éleveurs qui ont coopéré à notre enquête «sans aucune réserve » et surtout à Haymoud qui nous a ouvert les portes de Sidi Makhlouf et même de sa demeure.
                                                                                                                                                 IX.      Notations
1Le Tell est la zone du Nord de l’Algérie, celle qu’on appelle aussi l’Algérie utile car c’est la seule région où l’agriculture intensive est possible.
2Cf. les travaux de Ph. Daget et al., 1995 ; Emery R., 1998 et Manger L. et al., 2000.
3En Algérie, l’organisation administrative distingue wilaya, daïra et commune (équivalent en France de département, arrondissement et commune)
4Une tribu est constituée de plusieurs Douar.
5 L’université de Paris X, sous la direction d’Hugues Lamarche : Dynamique socio-économique et culturelle des espaces pastoraux algériens.
6Daget Ph. et Gordon M. (1995) : Pastoralisme: troupeaux, espaces et sociétés. Hattier - AUPELF.UREF, Paris.
7Cette pratique peut prendre d’autres formes et d’autres expressions, selon le contexte. Au Maroc par exemple, sous un autre nom, elle se pratique exactement selon le même principe, mais au lieu de lots de céréales, on relie des tentes de membres de la famille de l’éleveur.
8À la question relative aux raisons de la sédentarisation, nos enquêtés ont été unanimes pour dire que l’objectif était la recherche de conditions de vie meilleures.
9Or, nous savons maintenant que l’accroissement de la superficie agricole possédée oblige le recours à El Gdel.

                                                                                                                                                   X.      Références

-La D.P.A.T,  Monographie de la wilaya de Laghouat, Juillet 2002.

-Bensouiah, R., 1997. La dégradation de parcours steppiques .Thèse de Magister. INA, Alger.



Annexe

1 commentaires:

sitepgl a dit…

Une grande partie de cet article est tirée des différents travaux dont l'auteur est cité en référence (R.B., 1997). Un peu d'honneteté intelectuelle SVP.

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